Michel Dubois
Aout 2006
Le 22 mars 1991, le record mondial de vitesse de calcul par un ordinateur est battu par une société du Massachusetts spécalisée dans le calcul parallèle1. Le record précédent était détenu par un virus écrit et distribué sur l’Internet par Robert Morris, alors étudiant à l’université de Cornell.
C’est par ce constat que Fred Cohen commence son article sur les virus bénéfiques [1]. Il démontre par la suite, que les technologies virales peuvent être utilisées à des fins bénéfiques. En effet, si un virus exécute un certain nombre de calculs sur les ordinateurs qu’il infecte et qu’il peut ensuite coordonner les résultats de ces calculs, il met en place une grille d’ordinateurs effectuant des calculs en parallèle et ceci à l’échelle mondiale.
Plusieurs spécialistes de la virologie informatique ont étudié la possibilité d’utiliser les virus à des fins bénéfiques. C’est à Vesselin Bontchev que revient le mérite d’avoir fixé les critères permettant de différencier un virus bénéfique d’un autre virus [2].
Dans le cadre d’une enquête réalisée sur le forum de news Virus-L/comp.virus, Vesselin Bontchev a demandé aux internautes de décrire les critères qui, selon eux, faisaient que les virus étaient perçus comme nocifs. Il a ensuite rassemblé et classé les réponses et en a déduit les critères définissant un virus bénéfique.
Le premier critère technique concerne le contrôle de la propagation du virus. Par défaut, un virus se propage d’ordinateurs en ordinateurs de façon aléatoire. Ainsi, il n’est à priori pas possible de déterminer à l’avance si un ordinateur va être infecté ou pas. Un virus bénéfique doit pouvoir être contrôlé et les ordinateurs cibles fixés à l’avance.
Une solution consiste à mettre en place un système d’invitation. Avant d’infecter un ordinateur, le virus vérifie s’il y est invité et c’est seulement en cas de réponse positive qu’il s’installe sur l’ordinateur.
Vesselin Bontchev imagine alors le scénario suivant : soit une compagnie spécialisée dans la production de virus bénéfiques. Lors de la création d’un nouveau virus, elle le rend disponible sur l’un de ses sites de dépôts. Elle envoie ensuite à ses abonnés, un message contenant la clé publique du virus. L’administrateur d’un réseau désirant utiliser ce virus contrôle l’authenticité du message et envoie une invitation signée électroniquement. Cette dernière précise alors le type de virus désiré, l’adresse du réseau concerné et le mode d’entrée dans les systèmes (par exemple un numéro de port spécifique). Une fois le message reçu, le dépôt de virus bénéfiques envoie le virus choisi sur le réseau cible. Une fois sur place, le virus s’authentifie et commence à se reproduire.
Le deuxième critère technique concerne l’identification du virus bénéfique par les antivirus. Les programmes antivirus détectent les virus nocifs soit à partir de leur signature, soit en contrôlant les modifications effectuées sur les programmes et documents, soit en détectant les processus et actions suspectes.
Une fois qu’un virus bénéfique est authentifié sur un ordinateur, il est possible de spécifier à l’antivirus de considérer ce virus comme un programme sûr. Ce mécanisme inhibe la détection par signature. Concernant les autres modes de détections, le virus bénéfique ne doit pas effectuer de modifications sur les programmes et documents du système. Par conséquent, un virus bénéfique ne peut être qu’un ver se propageant uniquement par les réseaux.
De nombreux virus nocifs, provoquent une surcharge du système infecté pouvant aller jusqu’au déni de service.
Pour éviter ce problème, un virus bénéfique doit être conçu afin de consommer le minimum de mémoire, d’espace disque ou de temps processeur. En fait, la charge système occasionnée par le virus doit être négligeable par rapport aux bénéfices que l’utilisateur en retire. Concrètement cela implique, entre autres, qu’il n’y est qu’une seule instance du virus sur le système.
Comme tout programme informatique, un virus contient des bogues. Dans certains cas, comme avec le RTM WORM, ces bogues ont entraîné la perte de contrôle du virus.
Une fois qu’un bogue, découvert dans le code d’un virus bénéfique, est corrigé, la version patchée du virus doit être fournie avec les mêmes règles d’authentification. En reprenant le scénario évoqué plus haut, la nouvelle version du virus pourrait être diffusée de la même manière que la version originale : envoi d’un message contenant la clé publique du virus patché, puis authentification par le système et mise à jour des instances du virus présentes sur le réseau.
De plus, la possibilité de provoquer l’arrêt instantané du virus doit être proposée aux utilisateurs. En effet, si un administrateur constate un fonctionnement anormal sur un virus bénéfique, il doit pouvoir imposer l’arrêt de toutes les instances du virus sur son réseau.
La plupart des législations interdisent la modification des données personnelles sans l’autorisation du propriétaire. Un virus bénéfique ne doit donc modifier aucune donnée. Le scénario envisagé permet de vérifier ce critère. Les actions effectuées par le virus bénéfique sont connues à l’avance et l’utilisateur "invite" lui-même le virus sur son système.
Un virus bénéfique peut être utilisé par un pirate comme vecteur de transport pour pénétrer dans un réseau. Afin de supprimer ce risque, un virus bénéfique doit mettre en œuvre des techniques cryptographiques fortes pour s’authentifier dans les réseaux qu’il colonise. Une telle authentification interdisant toute modification du virus par un éventuel pirate.
Enfin, un pirate pourrait analyser un virus bénéfique afin de s’approprier son code et de développer un virus nocif similaire. Cependant, étant donné qu’un virus bénéfique tel que nous l’avons décrit, ne pénètre pas de lui-même dans un système mais attend d’y être invité, le pirate devra convaincre un utilisateur ou l’administrateur réseau du bien fondé de son virus.
La question de la responsabilité en cas d’atteinte à l’intégrité, la disponibilité ou la confidentialité d’un système d’information est un problème complexe. Les administrateurs réseaux sont par nature très méfiants quand à l’utilisation de programmes autoreproducteurs sur leur système d’information.
Si les conditions d’implémentation d’un virus bénéfique telles que nous les avons décrites sont respectées, la responsabilité, en cas d’incident, ne repose plus intégralement sur l’administrateur. En effet, dans le cas du scénario exposé ci-dessus, il existe nécessairement un contrat signé entre l’entreprise fournissant les virus bénéfiques et l’entreprise achetant ces virus. C’est donc au niveau du contrat que les responsabilités s’établissent au même titre que lorsque la même entreprise achète un système d’exploitation ou un logiciel de comptabilité.
Souvent, l’utilisateur d’un ordinateur s’imagine qu’il exerce un contrôle total sur ce qui se passe dans sa machine. En fait, l’ordinateur étant un outil très sophistiqué, la plupart des utilisateurs ne saisissent pas très bien les rouages de son fonctionnement interne. Cette incertitude suscite de la méfiance vis à vis de la machine et seul le sentiment de contrôler les réactions de l’ordinateur peut aider l’utilisateur à surmonter son appréhension.
C’est pourquoi, l’implémentation d’un virus bénéfique dans un réseau d’entreprise doit se faire de manière à ce que l’utilisateur continue de croire qu’il maîtrise le fonctionnement de son ordinateur. Ceci peut s’obtenir, par exemple, en lançant une campagne de communication interne. Dans ce cas, il s’agira d’expliquer le mode de fonctionnement du virus, en insistant sur son utilité, ses avantages et surtout la possibilité de le désactiver en cas de problème.
Les médias ont grandement contribué à créer une vision néfaste des virus en les présentant comme étant intrinsèquement mauvais. Et de fait, la plupart des utilisateurs suspecte les virus dès qu’ils ont un problème sur leur ordinateur.
Un administrateur désirant utiliser un virus bénéfique sur son système d’information, ne doit pas l’appeller virus, s’il veut que l’action bénéfique de son virus soit reconnue.
En résumé, pour qu’un virus puisse être considéré comme bénéfique, il doit répondre aux impératifs suivants:
Un certain nombres de virus bénéfiques ont déjà vu le jour, cependant, aucun d’entre eux ne répond à l’ensemble des critères que nous venons d’évoquer. Nous pouvons citer notamment:
À titre d’exemple, nous allons détailler le fonctionnement du virus KOH. Ce virus, écrit par Mark Ludwig [4], permet de chiffrer l’ensemble d’un disque dur.
Si l’on souhaite chiffrer l’intégralité d’un disque dur, les technologies virales semblent les plus appropriées. En effet, un logiciel standard de chiffrement est dépendant du système d’exploitation et doit donc attendre que celui-ci soit chargé pour pouvoir fonctionner. Cette contrainte implique que le secteur de démarrage du disque dur ne soit pas chiffré, ce qui représente une vulnérabilité non négligeable.
L’utilisation d’un virus de démarrage permet de s’affranchir du système d’exploitation et de chiffrer l’intégralité du disque dur. De plus, le virus est résident, ce qui offre plusieurs avantages. Tout d’abord, le virus est exécuté et chargé en mémoire à chaque démarrage de l’ordinateur, ensuite, le virus exécute les opérations de chiffrement et de déchiffrement en toute transparence.
Au final, nous avons un virus qui se lance automatiquement, dès le démarrage de l’ordinateur, et qui gère les opérations de chiffrement et de déchiffrement de la totalité du disque dur de façon transparente pour l’utilisateur.
À l’époque ou KOH a été écrit, l’utilisation des disquettes était généralisée. En tant que programme autoreproducteur, KOH présente alors plusieurs avantages:
Un tel outil de chiffrement - déchiffrement des supports de stockage est un réel atout pour une entreprise ou une administration. En effet, il est difficile de contrôler les flux entrant et sortant des disquettes. KOH utilise des clés de chiffrement différentes pour les disquettes et les disques durs. L’administrateur réseau peut très bien distribuer les clés de chiffrement des disques durs mais pas celles des disquettes. Ainsi, l’utilisateur indélicat ne peux pas lire ses disquettes sur un ordinateur autre que ceux de son lieu de travail.
KOH est un virus de démarrage, résident et non furtif, ayant comme unique action d’assurer le chiffrement et le déchiffrement des supports de stockage. Les sources du virus comprennent cinq fichiers:
KOH se copie sur les disquettes et disques durs en remplaçant le secteur de démarrage original par le sien, puis en copiant le reste de son code dans une zone inoccupée du disque. Cette zone est protégée en marquant, dans la FAT, les secteurs correspondants comme défectueux.
Le virus n’infecte les disquettes que si l’indicateur de condition FD_INFECT est égal à un. Dans ce cas, il commence par chiffrer le contenu de la disquette de sorte que si le processus de contamination échoue (manque d’espace libre), la disquette peut être utilisée normalement.
Lorsqu’un ordinateur démarre à partir d’une disquette contenant KOH, celui-ci demande s’il faut chiffrer le disque dur (voir FIG. 2). En cas de réponse positive, le disque dur est chiffré puis le système démarre normalement. En cas de réponse négative, le virus ne fait rien, par contre, il repose la question à chaque redémarrage de l’ordinateur.
FIG. 1 – Création d’une disquette de boot contenant KOH
FIG. 2 – Chiffrement d’un disque dur par KOH pendant la séquence de boot
KOH utilise l’International Data Encryption Algorithm (IDEA)2 pour chiffrer et déchiffrer les données. IDEA chiffre des blocs de 64 bits avec des clés de 128 bits. Les processus de chiffrement et de déchiffrement sont similaires.
KOH conserve trois clés de 128 bits stockées dans HD_KEY, HD_HPP et FD_HPP3.
KOH détourne les interruptions 13H pour le disque dur et 09H pour le clavier.
Le DOS utilise l’interruption 13H pour accéder au disque. En interceptant tous les appels à l’interruption 13H, KOH peut effectuer les opérations de chiffrement - déchiffrement de façon totalement transparente. Ainsi, lorsque le DOS cherche à ouvrir un fichier sur le disque, le virus intercepte l’appel, déchiffre le fichier et l’envoie au système d’exploitation. Lors de l’enregistrement d’un fichier, l’opération inverse se déroule.
L’interruption 09H est utilisée par le DOS pour la gestion du clavier. Le détournement de cette interruption permet à KOH de mettre en place des raccourcis clavier. Ainsi, la combinaison de touches <CTRL> <ALT> <K> permet de changer de phrase clé, <CTRL> <ALT> <O> permet de dire à KOH de chiffrer automatiquement ou non les disquettes et <CTRL> <ALT> <H> désinstalle le virus.
Le virus KOH répond-il aux critères d’un virus bénéfique tels que nous les avons définis ci-dessus?
Concernant les critères techniques, le contrôle de la propagation du virus n’est pas assuré. Certes, la demande d’autorisation de chiffrement du disque dur est effective, mais lorsque la question est posée, le virus est déjà dans l’ordinateur. Concernant l’identification, KOH est considéré, par les logiciels antivirus, comme étant un virus de la famille des virus STEALTH_BOOT. Il ne répond donc pas au critère. Concernant le critère de gestion des ressources, KOH est optimisé pour effectuer du chiffrement de disque dur à la volée. En dehors du chiffrement initial du disque, son action est transparente pour l’utilisateur. Il répond donc correctement à ce critère. Enfin pour le critère de gestion des bogues, il n’existe aucune infrastructure permettant de mettre à jour le virus. Cependant, lors de son lancement, KOH affiche à l’écran un avertissement (voir FIG. 2) demandant de faire une sauvegarde du système avant d’effectuer le chiffrement. Donc en cas de bogue dans le code du virus, l’utilisateur dispose normalement d’une sauvegarde de ses données.
Concernant les critères éthiques et légaux, KOH ne modifie pas les données personnelles de l’utilisateur: une fois le chiffrement terminé, l’utilisateur retrouve l’ensemble de ses informations. Par contre, le code source du virus étant ouvert, un développeur mal intentionné peut rajouter des routines nocives au virus et le faire passer pour l’original. Il n’y a aucun contrôle de l’authenticité du virus lors de son utilisation. Enfin, le problème de la responsabilité reste entièrement du domaine de l’administrateur ou de l’utilisateur.
Concernant les critères psychologiques, KOH met en confiance son utilisateur : les messages qu’il affiche et la documentation fournie par son auteur sont clairs et précis. Malheureusement, KOH est considéré comme un virus, et à ce titre un administrateur sera naturellement méfiant avant de l’implanter sur son réseau.
En conclusion, KOH ne satisfait pas pleinement aux critères d’un virus bénéfique. Cependant, il n’existe pas actuellement de virus bénéfique répondant à l’ensemble des critères techniques, éthiques, légaux et psychologiques. KOH est, à ma connaissance, celui qui s’en rapproche le plus.
Nous venons de détailler les critères permettant de différencier un virus bénéfique d’un virus nocif. Nous allons maintenant nous attacher à mettre en œuvre un virus bénéfique. L’objectif de ce développement est de fournir un outil d’aide à l’administration réseau basé sur les technologies virales.
Le scénario retenu est le suivant. Le système d’information d’une entreprise X s’appuie sur un réseau d’ordinateurs sous GNU/Linux. L’administrateur du réseau souhaite mettre en place un système flexible de suivi de l’ensemble des ordinateurs. Pour cela, il décide d’utiliser les technologies virales et installe le ver bénéfique VACCIN sur son réseau.
Le mode de fonctionnement de VACCIN s’articule selon le diagramme de la figure 3.
Tout d’abord, VACCIN contrôle son niveau d’accès au système. S’il est exécuté par un autre utilisateur que root, il s’arrête. Le test suivant permet à VACCIN de déterminer à partir de quel ordinateur il est lancé. Soit le ver est exécuté à partir de l’ordinateur de l’administrateur réseau et dans ce cas il lance ses routines de colonisation, soit il est exécuté sur un autre ordinateur et dans ce cas il lance ses routines de collecte de données.
La routine de colonisation de VACCIN commence par un scan du réseau. Celui-ci consiste, à partir de l’adresse IP du poste de l’administrateur et du masque réseau, à déterminer la plage d’adresses IP des ordinateurs. Ensuite, une requête est envoyée à chacune de ces adresses sur le port SSH, cette routine permet de définir une liste des ordinateurs effectivements connectés au réseau et faisant tourner un serveur SSH.
Une fois la liste des ordinateurs connectés au réseau construite, VACCIN la parcourt et établit une connexion SSH avec chacune des machines dont l’adresse IP y est référencée. Ensuite, le ver se recopie sur les ordinateurs et s’y exécute.
FIG. 3 – Diagramme fonctionnel de VACCIN
Lorsque VACCIN est lancé sur un ordinateur du réseau autre que celui de l’administrateur, il commence par vérifier qu’il y est autorisé. Si c’est le cas, il télécharge sur le poste de l’administrateur un fichier de commandes qu’il exécute ensuite et il renvoie le résultat sur l’ordinateur de l’aministrateur sous forme de fichier texte. Si VACCIN n’est pas autorisé à s’exécuter il s’efface automatiquement de l’ordinateur concerné.
VACCIN est un ver écrit en langage C.
Afin de clarifier le code, les routines de gestion des erreurs n’ont pas été implémentées. Par conséquent, en cas d’erreur d’ouverture d’une socket, d’un fichier ou encore d’exécution d’une commande system le programme s’arrête sans afficher de message.
CODE 3.1: Les variables définies par VACCIN
Pour pouvoir fonctionner, VACCIN définit cinq variables (voir CODE 3.1). SOURCE_HOST_IP et MASK_NETWORK définissent respectivement l’adresse IP de l’ordinateur de l’administrateur et le masque réseau utilisé. Enfin, CONTROL_FILE, COMMAND_FILE et VER_FILE définissent respectivement le nom complet du fichier de contrôle, le nom complet du fichier de commandes et le nom complet du fichier dans lequel VACCIN sera copié lors de sa colonisation.
Comme tout programme écrit en C, VACCIN commence par exécuter la procédure main.
CODE 3.2: Initialisation, écriture et fermeture des opérations syslog
VACCIN est un ver il se doit donc d’être le plus possible furtif. C’est pour cette raison qu’il n’affiche aucun message sur la console par le biais de stdout ou de stderr. Cependant, l’administrateur, qui l’utilise, doit pouvoir suivre son fonctionnement, c’est pourquoi les messages d’état de VACCIN sont transmis au système par le biais du démon syslogd. La procédure main débute donc par l’ouverture d’une session syslog (voir CODE 3.2) avec la commande openlog(). Tout au long de son exécution les messages sont envoyés au démon syslogd par la commande syslog(). Cette dernière prend comme premier argument une constante qui permet de définir l’urgence du message. Les deux niveaux d’urgences utilisés par VACCIN sont présentés dans la figure 4. Enfin, VACCIN se termine par la cloture de la session syslog grâce à la commande closelog().
Une fois la session syslog initialisée, VACCIN appel la fonction isRoot(). Celle-ci permet de déterminer que c’est bien l’utilisateur root qui a lancé le programme. En cas de réponse négative, VACCIN s’arrête et envoi un message de niveau critique au démon syslogd. Dans le cas contraire, VACCIN appel la fonction isSourceHost(). Cette dernière détermine l’adresse IP de l’ordinateur sur lequel le ver s’exécute. S’il s’agit de l’ordinateur de l’administrateur, VACCIN crée la liste des machines connectées au réseau grâce à la fonction scanNetwork() et les colonise en appellant la fonction colonise(). Si, au contraire l’adresse IP correspond a une machine du réseau, VACCIN lance la fonction isAutorise() pour déterminer s’il est, oui ou non autorisé à s’exécuter sur son hôte. En cas de réponse positive, le ver exécute la fonction recupInfos() et en cas de réponse négative VACCIN s’efface du système en exécutant la fonction effaceVaccin().
NOM | SIGNIFICATION |
---|---|
LOG_NOTICE | Information importante, mais fonctionnement normal. |
LOG_CRIT | Des conditions critiques se présentent, pouvant nécessiter une intervention. |
FIG. 4 – Les deux niveaux d’alertes de VACCIN
CODE 3.3: La fonction isRoot
La fonction isRoot() utilise les fonctions système uid_t getuid (void) et uid_t geteuid (void) pour identifier l’utilisateur qui exécute le ver. Si l’UID réel ou effectif de l’utilisateur est différent de zéro, isRoot() retourne 0 sinon elle retourne 1.
À partir des IOCTLs, la fonction isSourceHost construit la liste des interfaces réseaux disponibles sur l’ordinateur hôte. Cette liste est ensuite parcourut et l’adresse IP de chaque interface est comparée à celle de l’ordinateur de l’administrateur définit dans SOURCE_HOST_IP. S’il y a correspondance, le ver tourne sur l’ordinateur de l’administrateur et isSourceHost renvoie 1. Dans le cas contraire, le ver tourne sur l’une des machines du réseau et isSourceHost renvoie 0.
La fonction scanNetwork exécute deux opérations. Tout d’abord (voir CODE 3.4) elle détermine, à partir du masque réseau définit dans MASK_NETWORK, la plage d’adresse des ordinateurs du réseau. De cette information scanNetwork déduit le nombre de machines adressables et initialise la variable nbrComputer.
La deuxième opération réalisée par scanNetwork (voir CODE 3.5) consiste à effectuer une tentative de connexion sur l’ensemble de la plage d’adresses IP précédemment déterminée, en utilisant le port SSH (port numéro 22). Cette routine permet de construire une liste des ordinateurs connectés au réseau et ayant un serveur SSH fonctionnel.
C’est la fonction colonise qui réalise la copie du ver sur les machines distantes (voir CODE 3.6). En s’appuyant sur la commande system, la colonisation d’un ordinateur par VACCIN se déroule en trois étapes:
CODE 3.4: La routine de calcul du nombre d’ordinateurs adressables
CODE 3.5: La routine de scan du réseau
CODE 3.6: La routine de colonisation
Lorsque VACCIN s’exécute sur un ordinateur autre que celui de l’administrateur, il lance, en premier lieu, la fonction isAutorise. Le principe de cette routine consiste à déterminer l’existence du fichier dont le nom est fixé dans la constante CONTROL_FILE. Pour effectuer cette opération, isAutorise tente d’ouvrir CONTROL_FILE à l’aide de la fonction fopen. Cette fonction présente l’avantage de ne pas créer le fichier s’il n’existe pas, donc si la tentative d’ouverture échoue c’est que le fichier n’a pas été créé par l’administrateur. VACCIN en conclu qu’il n’est pas autorisé à s’exécuter sur ce poste.
La fonction isAutorise retourne 1 si le fichier CONTROL_FILE existe et 0 sinon.
CODE 3.7: La routine de suppression
La fonction effaceVaccin effectue l’opération inverse de colonise. Son objectif est de remettre l’ordinateur hôte dans un état identique à celui précédent sa colonisation. La suppression de VACCIN s’effectue en deux temps (voir CODE 3.7):
CODE 3.8: Exemple d’opération effectuée par VACCIN
Cette fonction correspond à la charge finale du ver VACCIN. Son objectif consiste à télécharger un fichier de commandes sur l’ordinateur de l’administrateur, à exécuter ce fichier sur l’ordinateur hôte et à envoyer les résultats sur le poste administrateur, sous la forme d’un fichier texte portant le nom de la machine source.
Ce mode de fonctionnement offre une très grande souplesse d’utilisation pour l’administrateur (voir CODE 3.8). En effet, commandes.sh est un fichier de script bash. Il suffit donc à l’administrateur de le modifier en fonction de ses besoins pour que lors de la prochaine exécution de VACCIN les opérations soient effectuées sur l’ensemble des ordinateurs de son réseau.
Afin de mériter le titre de “ver bénéfique”, il est important que VACCIN réponde aux critères définis dans 1 page 1.
VACCIN répond à l’ensemble des critères techniques, en effet:
L’utilisation d’un tel ver dans une entreprise ou une administration doit se faire selon une procédure claire et connue de tous. Cette dernière doit notamment définir:
Enfin, l’administrateur réseau doit, avant son implantation, informer les personnels de l’entreprise ou de l’administration de la procédure d’utilisation de ce logiciel. Cette communication peut se faire, par exemple, au CHSCT4. VACCIN est alors présenté comme un logiciel se copiant automatiquement sur les ordinateurs et effectuant par la suite un certain nombre d’analyses purements techniques à destination de l’administrateur réseau.
Après avoir décrit en détail l’architecture de VACCIN nous allons regarder comment il fonctionne concrètement. Pour cela, nous allons implémenter un réseau d’ordinateurs virtuels grâce à VMWare.
La simulation que nous mettons en œuvre s’appuie donc sur le logiciel VMware Workstation5. Ce dernier, est un puissant logiciel de virtualisation d’ordinateurs. Il permet, à partir d’un même hôte physique, de lancer simultanément un ou plusieurs hôtes virtuels fonctionnant sous divers systèmes d’exploitation et reliés entre eux par un réseau virtuel. Une version d’évaluation à trente jours de VMware Workstation est disponible.
Le système d’information que nous utilisons correspond au schéma de la figure 5. Il s’articule autour d’un ordinateur physique fonctionnant sous Debian et prénommé dauphin. Il sert de serveur DHCP et dispose d’un serveur SSH. Dans la simulation, il joue le rôle de l’ordinateur de l’administrateur.
Quatre ordinateurs d’utilisateur sont configurés. Ce sont des machines émulées par VMWare et fonctionnant sous la distribution Suse. Leur adresse IP est attribuée par le serveur DHCP et elles ont chacune un serveur SSH propre. Au début de la simulation, nous considérons que l’utilisateur user3 travaillant sur l’ordinateur linux3 a refusé que le ver fonctionne sur son ordinateur. Le fichier de contrôle /root/datav est donc créé sur tous les ordinateurs du réseau sauf le sien.
FIG. 5 – Réseau de test pour VACCIN
FIG. 6 – Lancement de VACCIN
Nous commençons par exécuter VACCIN à partir d’une console root sur l’ordinateur de l’administrateur réseau (voir FIG. 6). Ensuite, nous consultons le journal syslog sur dauphin, les actions exécutées par VACCIN y apparaissent (voir FIG. 7). Nous pouvons voir que tout d’abord, il constate qu’il est sur l’ordinateur de l’administrateur, ensuite il lance le scan réseau et enfin, pour chaque machine détectée, il exécute la routine de colonisation. Finalement, nous vérifions le contenu du répertoire /root/ sur l’ordinateur de l’administrateur (voir FIG. 8). Trois nouveaux fichiers s’y trouve, portant chacun le nom de l’ordinateur dont ils proviennent.
FIG. 7 – Suivi de l’exécution de VACCIN
FIG. 8 – Résultat de l’exécution de VACCIN
FIG. 9 – Résultat de l’exécution de VACCIN sur linux1
FIG. 10 – Résultat de l’exécution de VACCIN sur linux3
Le résultat de l’exécution de VACCIN sur les ordinateurs du réseau diffère en fonction de la présence du fichier /root/datav. Sur les trois ordinateurs où le fichier est présent, le ver s’exécute et le résultat est transmis à dauphin (voir FIG. 9). Par contre, dans l’ordinateur où le fichier n’est pas présent, le ver s’efface automatiquement (voir FIG. 10).
1 Depuis le 30 juin 2005, ce record est détenu par l’équipe OASIS qui rassemble des chercheurs de l’INRIA Sophia Antipolis, du laboratoire CNRS I3S et de l’Université de Nice Sophia-Antipolis. Ces chercheurs sont les premiers au monde à avoir calculé le nombre de façons de déposer 25 reines sur un échiquier de taille 25 x 25 de sorte que les reines ne puissent être en prise. Ce nombre est égal à 2 207 893 435 808 352. Le calcul s’est exécuté sur une grille de PCs de bureau à l’INRIA Sophia Antipolis.
2 IDEA est un algorithme de chiffrement par bloc mis au point, en 1991, par Xuejia Lai et James Massey de l’Institut Fédéral de Technologie Suisse. Initialement cet algorithme a été crée pour emplacer le Data Encryption Standard (DES).
3 HPP est l’acronyme de Hashed PassPhrase.
4 Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail. Institué par le code du travail, le CHSCT est l’entité où siègent les représentants du personnel. C’est donc le lieu idéal pour informer les salariés d’une entreprise des méthodes et outils de sécurité informatique utilisés et des garantis de protection de leur vie privé.
5 http://www.vmware.com
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